Retour à la base départ

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Deux jours avant Noël, au couchant, alors que j’arrivais pedibus place d’Armes en débouchant de la rue Fabert, j’ai ressenti un choc du troisième type en confondant la cathédrale de Metz avec un Soyouz au décollage.

Sur le banc des habitués du 83, un couple témoin de cet embarras m’avait ramené sur terre en s’esclaffant. J’avais seulement pris la Grande roue géante pour une hélice apostolique.

Ils ajoutèrent que cette hallucination était fréquente en ville en pleine époque des cadeaux. La Moselle, comme tout le monde, a peur du vide depuis que le Covid y fait le plein. Les vieilles générations regrettent le passé, alors que des surdoués de quinze ans se régalent déjà des conflits à venir avec des "martiens" de toutes les couleurs.  Comme si c’était le moment de godiller dans le cosmos.

Cette agitation hors sol bouscule en effet nos calendriers. Elle nous détourne de nos devoirs républicains alors que se profilent des élections compliquées. Elle met hors de ses gonds la gent traditionnaliste.

On m’a parlé à Metz d’un quartier-maître qui, depuis 2002, savourait sa retraite dans un chalet du bord du canal. Il devait ses joues balafrées à sa manie de se raser dans la salle de bain dès qu'il entendait passer les canards : en leur sifflotant « Les gars de la Marine ».

Il aurait changé sa manière. Au fenestrou embué de sa véranda, dès qu’il voit arriver une barque il entonne : « J’ai deux Zemmour … mon pays et Ciotti. »

Ces bouleversements culturels n’indiquent pas  la fin des civilisés car notre humanité n’a aucune envie de se détricoter comme un vieux pull. Par contre, l’idée noble qu’on se faisait du politique s'endort à l'heure de la sieste dans nos pantoufles.… Nos façons de vivre, nos idéaux, nos intuitions, nos partis pris, nos amitiés, bref, tout ce qui vibrait en nous est en manque. On n’entend plus que des guerriers, des prêcheurs ou des profs amers. Pour comprendre que la mort fait partie de la nature, nous sommes dorénavant obligés de sucer, du pissenlit, la racine carrée.

 

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