La séparation linguistique

 

La frontière qui coupe la Moselle en deux n'a rien à voir, sur une carte, avec les pointillés qui séparent la France de l'Allemagne. Elle est une bien plus vieille affaire et concerne le parler des gens.

Ses racines remonteraient pour certains à l'époque Gallo-romaine, au moment des grandes invasions barbares. C'est la thèse officielle mais elle est discutée. Les linguistes n'étant pas d'accord, nous ne pouvons que poser un gros point d'interrogation. Pourquoi pas ?

En effet, bien avant l'arrivée des Romains, la Moselle était déjà occupée, depuis au moins cinq siècles, par les Celtes médiomatriques, des tribus qui parlaient le gaulois. Durant cette époque confuse, qui vit enfin Rome imposer sa loi, des Germains de plus en plus nombreux étaient venus s'établir sur la rive gauche du Rhin, tandis que les classes plus riches adoptaient le latin après l'invasion romaine. Les peuples germaniques, dont la population croissait vite, implantèrent leur langue là où ils s'établissaient. Une frontière mouvante existait déjà.

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Lors des grandes invasions au Vème siècle, les Germains prirent le pouvoir dans la région. Plus précisément, les Alamans en Alsace et les Francs à l'ouest du massif Vosgien

Ces deux peuples parlaient bien entendu des langues différentes: les Alamans l'alémanique, qui a plus tard donné les dialectes alsaciens. Les Francs le francique, qui serait à l'origine des dialectes de la Moselle. La frontière linguistique n'aurait quasiment pas bougé de l'an 1000 jusqu'à nos jours.

Mais selon l’historien mosellan Alain Simmer, la langue germanique était déjà présente dans la région avant les Celtes, donc bien avant le Ve siècle de Clovis. Pour lui, les parlers germaniques de la région auraient tout simplement refait surface au déclin de l’époque gallo-romaine. Car pendant l’époque celte et pendant l’époque gallo-romaine, ils n’étaient pas totalement éradiqués. La région aurait en quelque sorte été bilingue sous les Celtes avec une juxtaposition du celte et du germanique. Et même parfois trilingue avec le latin.

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Le chercheur s’appuie sur le peu de découvertes de tombes franques dans la région, ce qui prouverait qu’ils n’auraient pu investir la contrée de façon massive. A une époque où il n’y avait ni école ni media.
 
Alain Simmer conteste donc l’appelation "Francique" pour désigner les dialectes frontaliers. Il note que ce sont les savants allemands de la fin du XIXe qui ont imposé ce nom, pour justifier leur "droit du sang" sur la Moselle annexée
 
Si sa thèse est exacte, l’origine du dialecte mosellan pourrait remonter à vingt-cinq siècles... Quoi qu'il en soit, la ligne linguistique n’a pas dû bouger beaucoup entre- temps...Un peuple ne change jamais de langue aussi facilement. 

 

La frontière des langues à l’ouest de l’ALSACE


Du nord au sud de l'Alsace, on distingue les aires dialectales suivantes:

* le francique rhénan lorrain (extrémité nord-ouest, Sarre-Union)
* le francique rhénan méridional (extrémité nord-est, Wissembourg)
* le bas-alémanique du nord (région de Saverne, Phalsbourg, Haguenau, Strasbourg et Sélestat)
* le bas-alémanique du sud (région de Colmar et de Mulhouse)
* le haut-alémanique (région de Saint-Louis, Altkirch et extrème sud de l'Alsace)

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