Des chiffres

 

Sur les 2 310 000 habitants de Lorraine, la Moselle en compte aujourd'hui 1 027 000 pour 730 communes (soit près de 10% de plus depuis 1990).

En 1939, à la déclaration de guerre, le département n'en dénombrait qu'environ 700 000. Mais l'on peut dire que durant la "drôle de guerre", et surtout après la percée allemande en mai 40, près de 300 000 d'entre eux, instruits par l'expérience du passé, avaient quitté d'une manière ou d'une autre le département vers la France. Parmi ces réfugiés de toute sorte, 80 000 Mosellans frontaliers, venus de la "zone rouge", (au nord de la ligne Maginot) avaient été soumis, dès septembre 39, à un plan d'evacuation prévu de longue date vers les Charentes.
 

Après la débacle française en juin 1940, plus des deux-tiers de ces derniers, de langue forcément germanophone, durent pour la plupart remonter en Moselle durant l'automne. Les autres restèrent en zone libre, en tentant plus ou moins de se rassembler. En fait, leur exil dura quatre ans et pour beaucoup d'entre eux il fût très difficile.  

On peut donc penser que 400.000 Mosellans se retrouvaient dans le département à partir de l'automne 40, ne l'ayant pour la plupart jamais quitté. Ils subirent la nazification durant l'annexion de fait.

Mais dès le milieu de l'été 1940, 85 000 Mosellans, la plupart francophones, furent brutalement expulsés vers la France par les Nazis, avec une valise et 2000 francs de l'époque.

Il est troublant de penser que durant ces quelques mois funestes, les trains qui ramenaient les réfugiés germanophones, de la zone rouge vers la Moselle, ont croisé symboliquement les trains qui déportaient les expulsés francophones, de la Moselle vers la France de Vichy. Ce qui constitue la plus émouvante métaphore de la complexité mosellane à l'époque.  

10 000 autres mosellans suspects de patriotisme (PRO) furent à nouveau transplantés entre 1941 à 1943, mais cette fois vers les territoires contrôlés par l'Allemagne.  

Il y eût 7800 arrestations dont 1602 réfractaires à l'incorporation ou évadés, 1053 résistants et 206 otages. 5800 furent d'entre eux déportés en Allemagne. La sinistre prison de Queuleu, à Metz, en a vu passer beaucoup.

30 000 Mosellans furent incorporés à partir de 1942-43 mais 7 à 8000 d'entre eux parvinrent à s'extirper de l'engrenage, soit en quittant clandestinement la région vers la France, soit en désertant lors d'une permission.

8000 des "Malgré-nous" mosellans ne sont jamais revenus en 1945.  

Certains ne sont rentrés que des années plus tard. 

Les autres sont morts de froid ou de maladie, notamment dans le camp russe de Tambow.  

Il y eût 151 exécutions de Mosellans durant la guerre.

44 réfugiés lorrains francophones, installés en Limousin après leur expulsion par les nazis vers la fin de 1940, sont morts affreusement, victimes des SS à Oradour en juin 44. Ils venaient de Charly (devenu depuis Charly-Oradour) et de Montoy-Flanville

En septembre 1944, enfin, des milliers de Mosellans du Val Messin furent transplantés en Thuringe, alors qu'arrivaient les Américains.

Certains des chiffres donnés ici restent forcément approximatifs. La guerre ne permet jamais que l'on tienne avec soin le registre des horreurs qu'elle entraîne.