Quand Metz faisait du buzz

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Le jeudi 14 février 2013, une centaine de Messins et de Nancéiens ravis de la bonne blague, avaient fêté à Metz la Saint-Valentin... Oui, oui, vous avez bien lu... La journée avait paru paru si étrange que lors de la petite réception organisée le soir à l’Hôtel-de-ville, Dominique Gros avait finement profité de l’occasion pour les prendre au mot.

Se tournant vers l’un des supporters les plus passionnés du FC Metz, dont l'oeil noir se voyait de près mais la chemise blanche  de loin, le maire émit le vœu qu'à partir de dorénavant, les soirées d’après derby autour des stades ne soient plus des combats de chiens.

Pas seulement les derbies, d'ailleurs, mais toutes les rencontres. En quoi il se trompait, notre maire, vu le match catastrophique du samedi 3 décembre 2016 contre les Lyonnais. Mais passons...

Vous objecterez en effet que les supporters messins auront tenu trois ans  grosso modo, même s'il n'y a pas de quoi s'en vanter. Mais cette fois, les sociologues d'arrondissement qui leurs cherchent encore des excuses feraient mieux d'aller faire un tour du hand aux Arènes.  Fin de la prenthèse . nous revenons sur ce grand moment de 2013

Le pari, écrivions nous, n’était pas gagné d’avance. Déjà, l’idée que Metz et Nancy puissent partager, ne serait-ce qu'une minute, les frissons d’un vrai tango, cette idée avait un côté burlesque. Le regard amusé du supporter messin rendait carrément la mission impossible. Jusqu’au moment où l’on apprit que ce coup de génie n’était pas sorti d’une pochette-surprise mais de l’imagination volontairement décalée d’un réalisateur de FR3 Lorraine, de surcroît parisien. Deux heures avant la réception, il avait déjà présenté, dans un cinéma de la ville, un film assez curieux où le génome attirance-répulsion qui lie, c'est bien connu, les deux capitales, nous était dépiauté au microscope avec un petit sourire en coin.
 
Les deux quotidiens régionaux avaient même publié, dans la matinée, un supplément commun fignolé au typomètre, comme un os bien moëlleux pour calmer deux chiens de faïence. D'une page à l'autre, le plus court paragraphe n'était jamais plus long que celui d’en face. Chaque virgule était pesée.
 
Bref, au terme de cette journée subliminale, toute la Lorraine avait compris que ça ne mangerait pas de pain de le chanter en choeur, vu que l'humour, c'était de l'humour. La guerre entre Metz et Nancy, c’était fini...
La preuve? sept mois plus tard, le 24 septembre 2013, à l'occasion du premier derby régional offert aux Messins après deux années de diète, l'esprit nouveau se répandit au dessus d'une forêt de têtes mosellanes, sous la forme d'une banderolle écrite en lettres rouges sur fond blanc. Mais contre toute attente, le stade entier put lire un message de paix dont le moins qu'on puisse en dire est qu'il n'était pas subliminal: "Nancy... je te hais... Nancy... je te hais". Le journal étala le lendemain, sur quatre colonnes, la photo de cette bonne volonté touchante avant de qualifier le succès sportif des Messins de “victoire sans bavure.“ Si vous n'appelez pas ça de l'humour...
 
Il est vrai qu'en février, le sourire de Xavier Schmitt, quoiqu'en quart de figue et le reste raisin, semblait signifier que le patron de Génération Grenat avait malgré tout bien reçu le message. Le regard sucré mais bienveillant de Gérard Rongeot, adjoint au maire de Nancy, confirma que nous vivions une soirée qui ne pouvait pas mieux tomber.
 
  Pas plus tard que la veille, en effet, l’ensemble des six directeurs d’UFR et des trois directeurs d’IUT de l’université Paul Verlaine avaient déposé une bombe dans la boite aux lettres des Nancéiens. Sous la forme d'une lettre ouverte qui commençait à faire du bruit, les professeurs dénonçaient le kidnapping scandaleux auquel aboutirait la nouvelle Université de Lorraine si l'on n'en revoyait pas, rapidement et démocratiquement, le projet de structure quasiment impérialiste. Ils alignaient des chiffres et l'on n'avait plus besoin d'un dessin. Il semblait évident que les collègues de Nancy, rattrapés par un vieux syndrome, n'avaient pu s'empêcher de ratisser large, en piquant les neuf dixièmes de l’organigramme.
 
C’est ainsi que le 14 février 2013, Metz s'offrit un gros buzz à l’occasion d’un petit bisou. Ce qui nous aura fait au moins comprendre que si un jour, Metz et Nancy font la paix, ce sera autour des stades plus vite que dans les amphis. Quant au besoin qu'ont parfois des hordes de supporters  de buzzer le stade à coups de pétards et de bouteilles vides tout en se lovant sous des banderolles assassines, il révèle des mosellitudes un peu bloquées.

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C'est pourquoi il va falloir nous  mettre d’accord sur ce terme de buzz . Au diable soient les mots anglais… Le terme garde un côté péjoratif depuis qu'il compare nos emballements médiatiques au bourdonnement déplaisant d’une ruche énervée… Fort heureusement, toutes les rumeurs ne sont pas négatives et il peut exister du bon buzz et du mauvais buzz, comme il existe du bon et du mauvais cholestérol.
Commençons par le mauvais, ce remue-méninges horripilant au sein duquel des nuées de twitters pianotent d'un doigt branché sur des milliers de smartphones pour claironner des milliions de conneries. Il paraît qu’en anglais, twitter signifie gazouillis mais les nôtres sont de drôles d'oiseaux qui mettent leur grain de sel partout... Au moindre chien surpris au pied d'un arbre, ils préviennent la moitié du monde. Alors vous imaginez quand ils sont contrariés...
En deux lignes trois fois retouchées pour rester à la maille, des nombrilismes contrariés deviennent des états d'âme et se déversent l'un après l'autre dans l’entonnoir savamment filtré des télés... Ils se coagulent en rumeur qui fabrique à son tour du buzz. Et comme tout bruit qui tourne en boucle finit par faire oublier le bruit qui l’a fait naître, le buzz mange le buzz. La rumeur se fait donc cannibale et finit par manger la rumeur. Le buzz né de l’info devient l’info.
Le twitter, lui, a déjà la tête ailleurs… Dès qu’il a vécu son quart-d’heure de Warhol, ou si l’on préfère, dès qu’il a vu son nom ballotté dans la blogosphère, il se recycle une identité, il existe. Ne lui reste plus qu’à courir sur le Net pour mieux sculpter le profil de son narcissisme dans Facebook. Son image rejoindra d'autres millions d'images, et il se fera des millions d'amis, c'est-à-dire personne. Les détails qu'il aura pu donner de sa vie resteront dans le "cloud" et c'est dans cette boule grouillante comme un banc de mulets stressés par la marée, que les requins affamés de la publicité iront plonger la gueule ouverte. On saura tout demain sur les secrets de tout le monde. Au point que des confesseurs et des psychanalystes se demandent aujourd’hui s'ils auront encore du travail.

Quoi de neuf sur les tweets?


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La vraie presse, ou ce qu'il en reste, revoie sa copie. Au temps où les buzz n’existaient pas, le jeune journaliste passait le soir dans les commissariats pour "faire les chiens écrasés". Aujourd’hui, il court à son ordinateur avec un petit panier sous le bras pour cueillir les tweets collés aux blogs, comme on décolle des bigorneaux. Dans cette banalité turgescente, il doit pomper le jus des réseaux sociaux. En somme, c'est le lecteur qui informe le journal.
 
Si le journaliste n'est pas regardant, il guettera l’arrivée du premier politicien qui passe pour lui poser, à brûle-pourpoint, une question à l’américaine. L’autre, qui l'aura vu venir, lui sortira un chapelet de réponses toutes faites, besognées dans la nuit par un collectif de politologues bac plus dix. Car c'est ainsi: une armée d’experts contrôle aujourd'hui tous les discours. Ils vendent aux jeunes parlementaires des Kit réponse-à-tout, des éléments de langage, des lignes de com et des petites phrases. Mais malheur aux distraits! Si le client pense à autre chose, il est perdu. Son manque d’à propos deviendra bourde dans les smartphones, la bourde deviendra gaffe dans les tweets, la gaffe deviendra couac dans les blogs et le couac deviendra buzz dans les micros. Ainsi fonctionnent les nouveaux rabâcheurs en boucle de la galaxie TNT.
 
 
Un bon petit buzz pour les 03.87

A côté de ces errances parisiennes qui vous font une affaire d’Etat pour un sourcil qui fronce, notre babil messin est bien rassurant. Un bon petit buzz à usage interne. Aucun acharnement ne hante le fil des 03.87. La ville entreprend un travail sur elle-même. Des pans de l’ancienne mentalité messine s'écroulent doucement, s'évaporent plutôt, comme à l'opéra quand on change le décor sans baisser le rideau. Après tout, pourquoi ne pas commencer autour des stades où la hargne des supporters n’est qu’un avatar des vieilles querelles de clocher? 
 
Mais il existe à Metz d’autres murailles invisibles contre lesquelles tous les Français de l’intérieur ont buté quand ils ont posé leurs bagages. La ville leur plaisait mais il allait faire les premiers pas. Croyant débarquer dans un no man’s land où survivaient des gens qui pouvaient beaucoup leur apprendre, ils découvraient une capitale orgueilleuse et bouche-cousue, où l’on pouvait parler de tout… sauf des guerres et des annexions.
 
Le buzz de 2013, c’est le début de la fin de cette mémoire à sens unique à propos du passé mosellan. A divers petits signes, on voit que les Messins veulent enfin regarder leur histoire en face. Fernand Braudel avait bien pu dire que le passé brûlait le présent, mais à Metz, depuis 1919, la parole à Metz était plutôt tiède.
 
On ne change pas d’avis du jour au lendemain dans les régions frontalières. On ne le fait que devant l'évidence, lors d'un petit déclic de l'âme qui vous tombe dessus à force de vous embourber dans les parti-pris. Ensuite, il faut du courage pour l’admettre en public, Tout dépend de la magnanimité de celui qui vous ouvre les yeux. Tant mieux s'il a l'élégance de minimiser sa victoire. Les Chinois disent qu’il faut toujours laisser une marche à son ennemi qui tombe. Mais s’il s’agit d’un collègue, ou d’un beau-frère, ou d’un voisin, c'est difficile. Vous imaginez le dialogue entre un expulsé de 1940 et un enrôlé de force de 1943…
 
 
Gare aux images d’Epinal

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A voir le stock d’enluminures patriotiques ânonnées sur les frontières depuis la Convention, les pauvres Mosellans étaient bien désarmés pour se faire plus tard une opinion objective à propos de la première annexion... Un tissu de mythologies avait fini par voiler, dès 1870, l'image qu'ils avaient de la tragédie messine.
 
Les Mosellans pourront toujours se consoler en comprenant qu'ils n'ont pas été les premiers à gober du n'importe quoi. La mémoire historique, ça se fabrique. D'un Dagobert dans la lune à un Napoléon III dans les choux, la liste est longue.
 
Le premier avait mis son royaume à l’endroit mais on voit mal ce qui pouvait l'obliger à mettre sa culotte à l’envers pour remonter du même coup le moral des Austrasiens et son pantalon. Quelque jaloux, auteur de la chanson, aura voulu ternir l’image du seul Mérovingien qui n’était pas feignant.
 
Et pourquoi Napoléon III le petit? Le dernier empereur des Français n’avait certes pas l’air malin en 1870 mais son côté stratège d'opérette ne l’avait pas empêché de révéler, durant "l'empire libéral", une indiscutable envergure. Va-t-en guerre, peut-être, mais pas idiot.
 
Prenez les Gaulois … Pour parodier Racine, ils n'étaient qu'un mélange... de Latins décadents qui roulaient dans la fange, de Celtes moustachus et de Germains blondins, sans parler d'un paquet d’indo-européens... Mais dès la raclée de 1870, ils devinrent de "fiers Gaulois" dans les écoles de France. Il fallait bien préparer la revanche.
 
Qui a bien pu inventer cette histoire de sacre à Reims, vers l’an 500, alors que Clovis y fut seulement baptisé? C’est en 754 que l’on oignit Pépin le Bref en vrai premier Roi des Francs. Des moines finauds auront tout inventé huit cents ans plus tard pour redonner du biceps aux arbalétriers de la guerre de Cent-ans.
 
On dit que Charlemagne aimait jouer à l'inspecteur d’Académie chaque fois qu’il revenait de guerre. Il discutait avec les escholiers pour savoir s’ils avaient bien fait leur dictée. Mais leur a-t-il jamais avoué qu’il ne savait pas lire?
C’est parce qu’Henri IV était très énervé qu’il eût, par hasard, le mauvais réflexe de parler de poule au pot. Il voulait seulement clouer le bec du Duc de Savoie qui l’avait provoqué lors d’une agape en prétendant que sa volaille alpine tenait mieux la cuisson. Notre bon roi n’a jamais eu pour autant l’intention de passer tous ses dimanches à servir la soupe dans les chaumières.
 
Même sur Jeanne d’arc, on a des doutes… C’est seulement pour donner de l’épaisseur à Charles VII que les Armagnacs auraient fait d’une jeune mariée noble et bagarreuse une pucelle branchée sur Radio Donrémy,
Et l’on pourrait continuer comme ça jusqu’à nos jours… La poule au pot, le vase de Soissons, la culotte à l’envers, mais aussi j’y suis j’y reste, on les aura, la route du fer est coupée, les mensonges qui nous ont fait tant de mal, je vous ai compris, et des centaines d’autres, des mensonges très poétiques, parfois de merveilleux éléments de langage, mais toujours des machines à décerveler. Du buzz bien arrosé, pour la route. Qu'est-ce qu'on peut être bête!
 
Les archéologues sont bien les seuls historiens à reconstituer notre mémoire avec une pince à épiler. Ils travaillent en effet sur des vestiges réels et non des parchemins discutables. Ils visualisent prudemment des fragments de vérité..

Vous avez dit "impérial"?

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Revenons à notre sujet... Le 10 janvier 2013, trois cents personnes s’étaient déjà réunies dans les salons de l’Hôtel de ville pour assister à un colloque organisé par l’Académie nationale de Metz à l’occasion du cinquantième anniversaire de la réconciliation franco-allemande. Délicate affaire. Une demi-douzaine d’orateurs firent évidemment allusion à la vieille allergie des Messins pour tout ce qui pouvait ressembler à un casque à pointe. Le public sourit. En ajoutant que le temps était vraiment venu de dépasser l’ancienne rancune et voir les choses telles qu’elles avaient été. Le public redevenu silencieux parut l'admettre. L'idée qu'un patriotisme revanchard avait, depuis quatre générations, privé la Moselle francophone d’une réflexion plus fine sur la première annexion, cette idée tournait dans les têtes. Dans les années trente, les Messins n’osaient déjà plus soulever le couvercle. et l'anti-germanisme qu’allait raviver la barbarie nazie l’avait fait se refermer rapidement. Pourtant, une majorité de Messins admettait en privé qu’après 1871, la vie quotidienne en Moselle n’avait pas été aussi lamentable qu’on l’avait claironné en 1919. En matière sociale notamment. Mais il ne fallait pas le dire.
 
Le plus bel exemple de cet embargo fut le regard méprisant qu’il était de bon ton de porter sur le fameux "quartier impérial"… Vous avez dit impérial? et puis quoi encore? Jusqu’aux années 1960, il restait de bon ton de se rendre le moins souvent possible autour de la gare, sauf pour prendre le train en ricanant quand on ne pouvait pas faire autrement. La prose de Barrès avait fait du bâtiment aujourd’hui célèbre un étal de charcutaille. Les talentueux architectes de la nouvelle ville ne pouvaient être que de gros ploucs teutons.

L'historienne a gagné son combat

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Lorsque Christiane Pignon-Feller avait pris le micro à la réunion de l’Hôtel-de-ville, ce fut comme un lavage de cerveau. Ce frêle petit bout de femme, qui connaît parfaitement son affaire, entreprit de dévoiler la beauté du quartier messin construit, après 1900 par les Allemands. Un lieu unique en Europe dans son genre, dont chaque façade est un sortilège. Par charité chrétienne, l'historienne eût le tact de ne pas citer trop longtemps la prose des revanchards de l'époque. Mais elle en lut assez pour montrer leur mauvaise foi. Sans doute, craignaient-ils de voir le beffroi de la gare faire de l'ombre à leur esprit de clocher. Quoi qu'il en soit, le silence des Messins qui buvaient ses paroles prouvait qu'un glissement avait commencé.


Et ce n'est qu'un début

  - Un livre vient de sortir ose poser la question qui fâche: Et si Bazaine n'avait été qu'un bouc émissaire? Encore une affaire à suivre.
  - Les Mosellans de la partie germanophone publient "pour les nuls" un recueil en dialecte Platt destiné aux Mosellans francophones, sur un ton plus amical que provocateur.
  - On vient de sceller à l’entrée de couloir le plus passant de la Gare de Metz une plaque à la mémoire d’Adrienne Thomas, l’écrivaine messine d’origine allemande. - Un groupe de chercheurs redonne sa dignité à la tombe de Paul Tornov, l’architecte allemand qui restaura la cathédrale. Sa dépouille, quasiment laissée en friche, dormait au cimetière de Scy-Chazelles depuis sa mort en 1906. La Maison de Robert Schuman aura enfin les moyens de remettre en lumière l'oeuvre exemplaire de ce bâtisseur, une oeuvre accomplie main dans la main avec celle du sculpteur français Auguste Dujardin, lui aussi longtemps calomnié.
  - Le film émouvant de Dominique Hennequin, "Trou de mémoire", nous fait découvrir le sort tragique des travailleurs forcés de l'Est que les nazis avaient enfermés autour de Metz et surtout en Moselle. Des forçats sans identité que la population ne pouvait aider sans risque. Des milliers de Russes, de Polonais, d’Ukrainiens ou de Serbes dont les squelettes dorment les friches. Ban Saint-Jean, près de Boulay, serait la plus grande nécropole en France, 20 000 morts, peut-être?
  - Nos Archives sont dorénavant des gares de triage où chaque semaine arrive un manuscrit. Depuis une dizaine d’années, de braves gens l’avaient senti venir. Les cheveux déjà blancs, au départ du dernier train avant le silence. Ils ont osé fouiller dans les tiroirs de l'ancien et ressortir d’un portefeuille boucané de simples photos qui montraient le malheur. Des instantanés de l’oubli de la largeur d’un timbre-poste dans leur bordure blanche aux bords dentelés. Cette mémoire lilliputienne avait attendu parfois plus d’un siècle au fond des commodes. Il vaut décidément mieux manger son chapeau que d’avaler un casque à pointe.

JG février 2013