1515 c’est Marignan, et 1789 la Bastille. Mais 2020 dorénavant, c’est Covid-19 et des poussières... Qu'on se le dise. Cette sale histoire de virus aura troublé Metz et Nancy même si la chance resta minime de croiser (comme sur ces photos, de gauche à droite) un pangolin au coeur de Coislin ou un tatou à l’entrée de Laxou.
Paris avait promis des milliards à la région pour compenser l'effort hospitalier… Or la Moselle s’est vite aperçue que le compte n’y était pas. Avec plus de 800 morts, elle recevait la moitié de la Meurthe-et-Moselle qui , fort heureusement pour elle, déplorait moins de 400 décès. L'affaire est à suivre. Tout va dépendre des élections.
On comprend mieux le sens d’une inscription bizarre, retrouvée récemment dans les fouilles à Bliesbruck : “Le pangolin n’en pense pas moins mais avec le tatou, faut s’attendre à tout “
Le Grand Est n’aura pas eu le temps de raconter ce printemps funeste. Dès qu’à Mulhouse un jamboree de contemplatifs eût ravalé son prêchi-prêcha, toutes les blouses blanches de la région se sentirent aspirées, comme dans un entonnoir, vers un labyrinthe de couloirs bleutés mais hélàs encombrés d’urgences, un enfer qu’elles eurent l’élégance de ne pas quitter avant de finir le travail. Même les paons les plus moqueurs du zoo d’Amnéville n’auraient pu les accuser d’avoir abusé de la pause-café.
Fort occupés depuis à trouver des lits vides, nos courageux samaritains n’avaient même pas eu le temps d’écouter la radio, ce qui leur permit d’échapper au babil des spécialistes, autour des studios. Quatre mois plus tard, nos "consultants" postillonnent encore en direct dans le poste… Devenus des fakirs du Corona, une centaine de quadras survoltés répondent au premier coup de téléphone pour mettre un grain de sel dans la soupe. Bien que rarement du même avis dès qu’on les filme, leurs egos s'étalent dans l’hexagone en ignorant les finesses d’antan. Ils ont oublié qu’il faut toujours enrober de conditionnel un argument qui décoiffe. Ils ne savent pas que la meilleure façon de désarmer le perroquet d’en face est de lui confier qu’on a pu se tromper.
Pour la presse, une prise de bec est donc l’aubaine. Avec un peu de yoga et le goût de la dispute, tout mot qui fait mal n’est jamais que balle perdue. Notez que ces Oracles ne disent pas forcément des bêtises. C’est plutôt leur assurance, nous dirons leur condescendance, qui ne passent pas.
Depuis la multiplication des vidéo-conférences, ils arrivent enveloppés de papier argent, alignés comme des marrons glacés dans une boite. Chacun dans sa petite fenêtre avec ses trois rangées de bouquins dans le dos pour montrer qu’il est cultivé, ils attendent leur tour de chauffe. Quand l’un d’entre eux dit une ânerie, on en repère toujours deux ou trois qui se mordent la joue pour n’en pas sourire, juste assez pour qu’on s’en aperçoive… Si l’un d’entre eux ne bronche pas, c’est qu’il est de la vieille école.
La vidéo-conférence à propos de la pandémie est devenue un Jeu de l’Oie métaphysique. On s’interroge sur le sens de la vie en pensant aux élections. Pierre Desproges nous avait pourtant prévenus que le pangolin avait horreur de tout ce qui bouge. Son truc, c’est qu’on lui foute la paix. Il ressemble, disait-il, à un artichaut à l’envers avec des pattes prolongées d’une queue à la vue de laquelle on se prend à penser que le ridicule ne tue plus.
J’ai vérifié sur Wikipédia. Le perroquet cancane, d’accord, mais c’est sa façon de causer. Il peut crailler mais il peut aussi craquer, il peut croailler mais aussi croasser, il peut jaser dans toutes les langues... Alors que le pangolin n’en place pas une.
On a envie de le secouer. Mais défends-toi, bon sang ! Aussitôt, il se met en boule, la tête prise en étau dans les pattes. On dirait une pomme de pin obèse alors que la chauve-souris a l’air d’un Mickey en parapente, avec son petit museau rose. Quant au tatou, c’est le tatou.
Pauvre pangolin… Il devenait fatal que sa molle innocence finisse par influencer notre imaginaire européen. L'animal est dorénavant responsable des humeurs qui, depuis la nuit des temps, couraient dans sa viande. Les Chinois le mettent à toutes les sauces, avant d’aller au lit. Ils retournent une écaille et s’en servent de cuiller pour gober le jus, comme on le fait pour nos vinaigrettes, dans le galbe d'un artichaut.
Haro donc sur le pangolin. Les Français ont la manie de trouver toujours un responsable. C’est dans leur culture politique. Il leur faut une dépouille au clou. Bazaine, qui n’avait que sa nullité sous les médailles, fut le pangolin de 1870. Alors qu’aujourd’hui, des tatous bien plus excités n’ont que fureur sous les écailles. Suivez mon regard.
Dans ce théâtre d’ombres, nos consultants nous rabachent que rien ne sera plus comme avant. Pierre Dac avait pourtant dit que ceux qui ne savent rien en savent toujours autant que ceux qui n’en savent pas plus qu’eux.
Je me range humblement dans cette catégorie, mais slalome tous les soirs à la télé en guettant les signes de ce renouveau éventuel. Alors que de vrais clowns, bien que destabilisés, continuent de nous pitonner les fosses nasales pour grimper jusqu’à nos cerveaux et planter leur drapeau.
JG. juin 2020