Depuis cet hiver à Nancy, le feu couve à l’Université lorraine. Les pompiers n’étant pas toujours libres, c’est un serrurier assermenté qui doit débloquer tous les matins une grosse boite aux lettres en surchauffe.
Chaque fois, le premier courrier vibre de colère mais ceux qui suivent ne sont pas moins chargés. On peut conclure sans avoir fait Sciences Po que la ralbolisation des cervelles mosellanes est en route. Le plus gros vient du 57.
Chacun de ces Mosellans humiliés (tiens, ça ne vous dit rien ?) pose la même question au Président de l’université lorraine, en lui secouant la barbichette.
_ Qu’est devenu Mista ?
Ce nom vous dit quelque chose ... Mista... Bon sang ! Mais c’est bien sûr… Il fait penser à un refrain célèbre écrit en 1965, ce qui ne nous rajeunit pas. Nino Ferrer, un chanteur très attachant mais remonté comme une pendule, descendait en hurlant les escaliers du métro et questionnait la cantonade :
_ Z’avez pas vu Mirza ?
Je conviens que le rapprochement a des limites. La Mirza de Ferrer était une chienne alors que la Mista du Président est une école d’ingénieurs. La première est un tube alors que la seconde est un rêve coincé dans les tuyaux.
Où est donc passé ce chien ?
Je le cherche partout
Où est donc passé ce chien ?
Il va me rendre fou
Où est donc passé ce chien ?
Oh yeah, ça y est je le vois
C’est bien la dernière fois
Que je te cherche comme ça
Lala Lala Lala
Pour MISTA, c’était moins « oh yeah » : depuis deux ans déjà, cette fameuse Ecole était promise aux Mosellans même si le cadeau de mariage avait traîné. Tout le mone comprenait que, venant de Nancy, le beau geste avait doublement du mérite. L’ennui, c’est que Mista s’était perdue en route... Personne ne l’avait vue se noyer dans la Moselle car ils n'ont plus de garde-champêtre à Pont-à-Mousson.
La chance, pourtant, c’est qu’au lieu d’arriver en avril comme d’habitude, les giboulées de mars étaient à l’heure… Une rafale de questions avait subitement secoué les voilures de cette Ecole fantôme.. Sous la pluie qui tombait dru depuis, la mer avait enfin débordé.
Oh yeah, ça y est je la vois
C’est bien la dernière fois
Que je te cherche comme ça !
Trois ans après le tube de Nino Ferrer, il y eût 1968… On se souvient de la suite. Le 27 mars 1969 à Strasbourg, le recteur Bayen regarde les Messins dans les yeux avant de leur lâcher, en grand seigneur, une injonction devenue célèbre : “Vous voulez une université, prenez là ! “
Metz l’avait prise en effet, avec passion. Elle n’en revenait pas d’avoir gagné mais ne pouvait s'empêcher de se méfier, par atavisme. L’élégance avec laquelle Strasbourg avait soldé la fin d’aussi vieilles amours ne masquait-elle pas quelque rancune ? Par maitrise intellectuelle, par intelligence politique et pour sauver l’image de l’institution, le recteur avait peut-être minimisé le fait d’avoir été plaqué... En ce temps-là, les amants éconduits savaient sauver la face quand ils étaient bien élevés.
Cinquante années plus tard, tout a bien changé. Le monde des clercs est devenu brutal et le savoir-vivre universitaire a disparu en France. Le demi-siècle de réenchantement lorrain, imaginé à l’ombre des mirabelliers en fleurs, n’a pas eu eu lieu. Les Mosellans, pas rancuniers, ont certes oublié à Strasbourg leur vieux plumard sous la mansarde, mais s'ils dorment aujourd’hui à Nancy dans un dortoir ensoleillé, c'est dans un lit en portefeuille.
On s'en doutait. En janvier 2012, l’idée de réunir , dans un espace de grande envergure, deux entités lorraines aux contours aussi disproportionnés, cette idée disai-je, partait d’un bon sentiment, mais ça ne voulait pas dire qu'à terme, et vue de Nancy, elle aie impliqué dans dix ans, dans vingt ans, une cohabitation rééquilibrée. Et puis quoi encore ?
Les Messins ne s’étaient jamais fait d’illusion… Leur petit doigt savait dès le départ qu’il serait difficile de planter des pilotis assez pointus pour s'incruster dans les marécages d'un imaginaire frontalier truffé d'images d'Epinal, d'émotions complexes et de cocoricos en vrac.
Malgré ce flou dont le nord-lorrain gardait conscience, le projet d’une Ecole d’ingénieurs de cette dimension à Metz (management, ingénierie, sciences et technologies avancées, excusez du peu) restait la moindre des choses alors que Nancy en avait déjà dix du même tonneau !
Même si une minorité de Mosellans avait pu craindre que cette implantation leur soit consentie avec condescendancen, jamais l’idée ne les avait effleurés que sous le mol édredon de la nouvelle Université lorraine, des greffiers puissent, de MISTA, bricoler l'organigramme en douce.
C’est bien la preuve que dans cette mystification, il y avait un os.
Cliquez ici pour lire la suite…