Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque d’Epinal
Peu de Mosellans connaissent l’auteur de ce dessin mais pour les historiens, le fourmillement laborieux qu'il évoque possède, l'humour en plus, la méticulosité d'un guide Michelin. Né en 1467, Phillipe Gérard aimait certainement la vie pour avoir su croquer ce qu'il avait vu, sans laisser l'impression d'une société bloquée. Tout le monde ne pouvait pas en dire autant.
Messin très doué, il devint célèbre après avoir vécu son enfance à Vigneulles, un hameau où l’on vendangeait jusqu'en 1810. Vous vous demandez pourquoi diable arrêter le vin cette année là ? Réponse : parcequ'il fut gobé par Lorry-lès-Metz. Pas le vin, bien sûr, mais le hameau.
La mère de notre héros était l'une de ces filles de la campagne qui jusqu'au jour de ses noces, n'avait comme on dit “point porté de souliers à ses pieds". Le père affichait, par contre, son discret entregent de paysan aisé, ce qui permit au fils d'apprendre à lire chez un curé, à écrire chez un notaire et à tailler ses crayons tout seul.
Devenu célèbre, il ne profitait pas de sa bonne image sociale pour mépriser son entourage, comme tant de nantis le font par instinct. Tout porte à croire qu'il aimait les gens. Son seul défaut, si l'on peut dire, était de mal supporter qu'on lui donnât des ordres, une qualité déjà rare au XVe siècle!
Doté donc d’une plume fouineuse, qu’il avait eu le temps d'affûter durant quarante années d’escapades buissonnières, il prit bien plus tard le nom de Philippe de Vigneulles et continua cette existence hors piste en drapier fortuné, devenu l'icône de la République messine. Le contraire d'un notable ordinaire... Chroniqueur aux aguets de tout ce qui bougeait, il était incapable de rester une journée dans sa boutique sans faire un tour dans ce Metz qu’il aimait tant. Son œil désabusé mais gorgé d’empathie campait d'un trait bienveillant la vie des gens de son époque.
Tout le monde sait que tout va quand le bâtiment va. Prenez une loupe et regardez ce dessin. Vous en déduisez que la construction n'allait pas trop mal à Metz dans les années 1500, alors qu'on s'étripait tout autour. Si notre Gérard vivait de nos jours, il aurait souvent sa photo dans le journal... L'ennui, c'est qu'il nous a dessiné des artisans du XVIe siècle, en faisant semblant de nous faire croire qu'il les avait surpris sur le chantier... en 2046 avant Jésus-Christ!
L'idée vient que ce document d’une clarté sans fioritures est un gros clin d'oeil au deuxième degré. On y apprécie la jonglerie d'un Messin astucieux pour éviter la foudre ecclésiastique. Sacré Gérard!
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