Pour gagner Pompidou en 2012, dès le début de l’exposition "1917", les visiteurs arrivés par le train suivirent la flèche dans un long couloir qui n'avait pas de nom... La ville de Metz lui en trouva un très vite: "Passage Adrienne Thomas" et ce fut, de l'avis général, une sacrée bonne idée.
Hélas, en découvrant le musée au sortir de ce tunnel qui traverse les voies, les étrangers à la région ne pouvaient savoir que l'esprit de cette Adrienne voletait depuis une centaine d'années au dessus de la gare. Depuis 1917 justement...
Des Mosellans en voulurent un peu aux organisateurs d'avoir, par deux fois, snobé l'auteur de "Catherine Soldat" quand ils arrivaient à Pompidou avec de beaux projets dans la serviette… Et puis, ils se dirent que ces éminents spécialistes n'étaient pas obligés de savoir que l'esprit d'une jeune fille exceptionnelle avait chatouillé la mémoire introvertie de la gent messine sous les marquises de la gare... du moins jusqu'au jour où les dites marquises furent traitées au marteau piqueur pour empiler nos bagnoles en rangs d'oignon. Ils conclurent, en bons Lorrains, qu'il ne fallait pas trop en demander à des Parisiens qui arrivaient en Moselle avec de vraies compétences et connaissaient les pesanteurs locales.
Cet esprit des lieux, nous n'irons pas jusqu'à dire qu'en 2016, les programmeurs de Pompidou l'aient enfin emprisonné en douceur, comme on attrape un papillon. Ils ont encore oublié de rappeler aux Messins qu'une demoiselle allemande avait commencé le travail en 1915... Mais on ne leur en veut pas. Leur belle expo "Entre deux horizons", programmée jusqu'en en janvier 2017, aura ponctué par ses peintures ce que nous savions de l'univers culturel de la Grande guerre et des années trente, par l'écriture ou la parole.
Pour Adrienne, apparemment, il faudra encore attendre mais l'à-propos de la municipalité messine et le flair de la nouvelle équipe pompidolienne auront donc en partie rattrapé la "gaffe". Comme on n'est pas rancuniers, déjà merci, merci, Pompidou, pour ces images "entre deux mondes". Entre deux espérances, à notre avis.
Grâce au geste d'obligeants Sarrois, l'exposition aura magnifiquement révélé aux Mosellans un tourbillon culturel dont ils ne pouvaient alors pleinement profiter en 1930, vu les cocoricos ambiants.