Cette rengaine connue en Moselle en 1870, fest encore irresistible, mais à condition d'être chantée sur un ton solennel, au second degré...
A l'époque, le milieu du cabaret faisait beaucoup dans l'héroïque, vu l'influence qu'avait l'armée dans le quotidien culturel d'une société aux trois quarts illettrée. Devant un tel chef-d’oeuvre de crétinisme pompier, comment ne pas rire aux larmes.
Mais comment ne pas éprouver, une fois essuyés les yeux, une sorte de stupeur attendrie devant tant de naïveté? Elle en dit long sur la crédulité populaire et la pesanteur des mélos qui nourrissaient le patriotisme en pantalon rouge.
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Près de la nouvelle frontière
un officier s’est arrêté
à la porte d’une chaumière.
Il frappe avec anxieté.
Une femme, dont la mamelle
allaite un gentil chérubin,
ouvre en demandant "Qui m’appelle?"
et voit l’uniforme prussien.
Femme, dit l’officier, écoute ma prière:
pour lui donner ton lait, je t’apporte un enfant.
Dis-moi si tu consens à lui servir de mère.
Moi, je suis un soldat du pays allemand.
Ce fils, sur la terre lorraine
m’est né hier, et sans compter.
Je paierai tes soins et ta peine
car je suis tout seul à l’aimer.
Vois, sa figure est rose est blonde.
Tu peux le sauver du trépas.
Sa mère, en le mettant au monde
vient de mourir entre mes bras.
Femme, dit l’officier, écoute ma prière:
pour lui donner ton lait, je t’apporte un enfant.
Dis-moi si tu consens à lui servir de mère.
Moi, je suis un soldat du pays allemand.
J’avais un fils, dit la Lorraine,
blond chérubin comme le tien.
Mon homme et moi tenions la plaine
devant un régiment prussien.
Quand tes soldats, saouls de carnage
mirent le feu dans mon hameau
et sans pitié pour son jeune âge
tuèrent l’enfant au berceau.
Va, passe ton chemin... Ma mamelle est française!
N’entre pas sous mon toit, emporte ton enfant.
Mes garçons chanteront plus tard "La Marseillaise"
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand!