Le silence rompu

 

Ce livre a l’ambition de révéler au reste de la France une frustration que les habitants de la Moselle ont toujours quelque peine à évoquer sereinement. Elle touche en effet à leur image depuis l’annexion allemande. Des ignorants se laissent aller encore à les traiter de "boches", sans trop savoir de quoi ils parlent, ni mesurer l’injustice du propos. Il est admis qu’un œil extérieur a plus de recul pour mesurer objectivement les choses. Selon la logique locale, l’auteur peut donc revendiquer cet œil extérieur puisqu’il est un "Français de l’intérieur"...

silence rompu

Il n’aurait pourtant pas touché à ce dossier empoisonné s’il n’avait senti un urgent besoin de se raconter parmi les Mosellans qui ont vécu le chambardement de l’été 1940. Ceux qui sont partis comme ceux qui sont restés, ceux qui parlaient français comme ceux qui comprenaient l’allemand... Ils en ont tous gros sur le cœur et se libèrent. Le long frémissement de leur passé refoulé jaillit comme un geyser à la première personne. Il a la nouveauté d’un scoop qui aurait mijoté pendant cinquante ans! De ces destins qui s’entrecroisent, du regard qu’ont saisi les superbes photos de Claudius Thiriet, il émane une humiliation résignée. La même qu’on trouvait déjà, au siècle dernier, dans le premier vers d’une chanson du terroir:

"J’ai un mouchoir dedans ma poche

qui est plié en quatre plis.

J’ai tant pleuré, versé de larmes

que p’tits ruisseaux ont débordé.

Petits ruisseaux, grandes rivières

quatre moulins en ont tourné."

Longtemps, le Mosellan a essuyé ses larmes. Trop longtemps, il a fourré sa vérité dans sa poche, avec son mouchoir par-dessus.

Éditions Serpenoise. Epuisé